Professionnalisation et professionnalisme: les origines des exigences actuelles
D’après Guy Le Boterf « Professionnaliser : Le modèle de la navigation professionnelle« , la « référence croissante au professionnalisme » n’est pas qu’un simple effet de mode mais une recherche qui puise son origine dans la longue marche historique de la formation continue. A ce propos, l’auteur identifie cinq facteurs explicatifs[1] :
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Premièrement, une exigence croissante de confiance envers les professionnels tant de la part des entreprises que des clients. D’une part, les entreprises constatent que la course aux procédures visant le « zéro défaut » mise en place pour répondre aux exigences de compétitivité, de qualité, de sécurité et de réactivité permettent certes de garantir une traçabilité et l’accès à un label mais ne garantissent ni le « zéro panne » et ne prennent ni en compte la variété des situations de travail, ni les spécificités humaines (ex climat social). C’est à ce titre, qu’elles recherchent au-delà des procédures, « Non seulement de[s] compétences mais de[s] professionnels » pouvant sûrement commettre des erreurs mais étant les seuls en capacité de les corriger ou de les rattraper. Et d’autre part, les clients sollicitent l’instauration d’une véritable relation de service avec un professionnel qui au-delà d’exercer un métier sache mettre en œuvre un savoir faire ou une expertise.
- Secondement, face à l’essor des situations complexes, évolutives, les entreprises recherchent des professionnels capables d’affronter l’inédit et le changement permanent. Parce que les conjonctures sont fluides, que l’organisation du travail est flexible et hétérogène, ou que les structures hiérarchiques cœxistent avec des projets transversaux…les entreprises exigent des professionnels qui sachent prendre en compte une multiplicité de critères et d’acteurs et « mettre en œuvre des capacités d’initiatives, de réaction, de négociation, d’arbitrage et d’adaptation ».
- Troisièmement, l’exigence du professionnalisme est inhérente à la gestion de l’employabilité. Dans une conjoncture économique incertaine, le professionnalisme est une assurance au retour ou au maintien de l’emploi et, un atout pour la mobilité interne ou externe tant pour les individus que pour les organisations. « L’employabilité […] se définit moins par rapport à un emploi déterminé que par rapport à la capacité de la personne à construire de nouvelles combinatoires de ressources pertinentes (savoirs, savoir-faire, raisonnements, etc.) par rapport à de nouveaux emplois ou à de nouvelles situations de travail. ».
- Quatrièmement, le professionnalisme s’attache plus à la personnalité du porteurs de compétences qu’aux compétences elles mêmes. Selon G. Le Boterf, les référentiels de compétences sont des « abstractions utiles mais des abstractions » ; seules les personnes et leur personnalité existent.
- Cinquièmement, la fragilité des tissus professionnels (départ en retraite, restructurations, réorganisations, etc.) est favorable au processus de professionnalisation conjuguant à la fois la formation et l’apprentissage en situation de travail pour se nourrir des talents du collectif et se construire sa propre façon de s’y prendre, sa propre manière d’agir, son « style » (Yves Clot, 2000).
[1] G. Le Boterf. Professionnaliser : Le modèle de la navigation professionnelle. Eyrolles,Editions d’organisations, Paris, 2007, pp.5-22
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