L'envers du désir: un voile sur l'identité de la société algérienne est-il soulevé ?
Entretien exclusif avec Ahcène Aït Saïdi auteur de « L’envers du désir » (Broché – juin 2009). Un roman réaliste sur la société algérienne.
Amour, sensualité, tabou, transgression et féminité
En photo: Ahcène Aït Saïdisur les hauteurs d’Oran (Algérie) que jai interviewé pour vous.
Sous le coup d’une illumination qu’elle n expliquera pas, Yasmine demande à son mari de s’en aller, de la laisser seule avec sa fille de huit mois. Elle avait vingt-sept ans, universitaire, et habitait un quartier résidentiel d’une grande ville. La famille vivait confortablement, sans être obligée de penser à l’argent. Elle était malheureuse et, quoique son mari soit jeune, beau et aisé financièrement, elle n’avait qu une idée: divorcer et retourner vivre chez ses parents. 146 pages.
FB: Pourriez vous vous présenter en quelques lignes ?
AAS: Gandhi disait qu’il était difficile à un homme de se regarder de dos ? Franchement, quoi dire sur ma modeste personne en cinq ligne ? Un homme, un journaliste viscéralement attaché à la liberté d’agir, de penser et d’être. Je suis quelqu’un dont l’esprit n’a aucune limite et outrageusement contre les discriminations, les objecteurs de conscience.
FB: Comment définisseriez vous votre roman ?
AAS: Foncièrement réaliste, inspiré de faits réels, mais aussi j’ai tenté de lever le voile sur l’une des utopies, des illusions sur lesquelles s’est construit l’imaginaire collectif de notre société. Réveiller les vieux démons qui hantent notre inconscient collectif pour mieux les appréhender mais surtout pour que nul n’oubli que cette nation à payer un lourd tribut pour rester debout.
FB: Votre livre est un roman réaliste qui dévoile un visage « caché » de la société algérienne que nous lisons rarement. Que souhaitiez vous susciter ?
AAS: A travers mon livre, en toute modestie, préalablement je ne voulais nullement transmettre de message encore moins la prétention de susciter quoi que ce soit. L’acte d’écrire avait surtout une fonction, je dirai, «thérapeutique», une sorte de retour du refoulé, une manière d’exorciser toutes les sublimations de notre société.
FB: L’identité voilée de la société algérienne que vous décrivez avec un profond réalisme fait ressortir des maux communs aux autres sociétés non musulmanes. Pensez vous que cela puisse la rendre plus « commune » aux autres ?
AAS: Non, elle l’est. Elle souffre des mêmes mots que toutes les sociétés musulmanes et même, je dirai, au-delà. Vous savez, je vais extrapoler pour vous répondre. Un névrosé use de procédé de déni, une sorte de mécanisme de défense, pour résister à un désir inconscient. Il use de la modalité de clivage pour annuler et agréer la réalité. Est-ce pour autant qu’il réussi ? je ne le pense pas. La dénégation n’occulte nullement la réalité des faits. Et la réalité est que notre société souffre de prostitution, d’alcoolisme, d’adultère, d’addiction et de jeunes qui se shootent avec toutes sortes de drogue, etc.… nier les faits, ne pas en parler ne les fait certainement pas disparaître.
FB: Qu’est-ce qui vous a incité à écrire ce roman ?
AAS: Ecrire. C’est ce que je sais faire le mieux. Du moins je le pense. Vous savez je suis journaliste depuis une quinzaine d’années. L’écrit journalistique est par définition un écrit éphémère. Un écrit astreint à des faits, des normes et des règles d’étiques. A un moment donné, j’avais ressenti le besoin d’écrire autre chose, laisser ressortir toutes mes frustrations, mais pas seulement, dire tout simplement ma vision des choses, de la société dans laquelle j’évolue. «L’envers du désir» est mon second roman. J’ai publié, en Avril 2003, un premier roman intitulé : «Les anges meurent jeunes» aux éditions : Dar El Gharb à Oran (Algérie), et actuellement je suis sur le projet d’un troisième roman.
FB: Avez vous quelque chose à ajouter ? Un message?
AAS: « L’envers du désir » est un instantané de la société algérienne, du moins de mon point de vue. Un instantané pris sur le vif sans pour autant occulter les facteurs anxiogènes. Le contraire serait de se retrouver dans une société psychasthénique, incapable de se regarder de face. Pour terminer, je voudrai, avec votre permission, rendre hommage à Tahar Djaout, écrivain et journaliste assassiné par la horde terroriste, qui disait : « Si tu parle, tu meurs, si tu te tais, tu meurs, alors parles et meurs. »
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